Parce que là-bas, c'était aussi chez toi
Tu nous as fait découvrir ton petit paradis, ton immobil'home.
Tu disais, ça m'embête, il n'y a pas de jeux pour les enfants.
Mais tu plaisantes Emile, un terrain arboré de 5 hectares, c'était mille fois mieux.
Le soir, on partait à la chasse aux vers luisants, je n'en ai jamais vu autant.
On guettait les hérissons et les lapins, les lézards et les sauterelles.
J'avais le droit de m'occuper de tes fleurs, tes hortensias plus grands que moi, tes althéas et tes fucshias. Tu te réservais les roses, il y en avait une trentaine de variétés.
Je me souviens de ta joie en découvrant à l'automne mes boutures faites en été, tout avait repris, il y avait de quoi fleurir tout le quartier.
On en a fait des virées dans les rochers d'Acotz à Guétary, on en a laissé passer des moutons sur les petites routes. On a grimpé la Rhune à pied pour caresser les pottocks au passage. Au parc de Labenne, le pélican nous avait suivi jusqu'à la voiture, à Bidart c'était un mouton, tu disais que les bêtes savaient bien que j'étais aussi bête qu'elles.
Grâce à toi je connais tous les coins et recoins de Saint Jean de Luz et des environs, je connais tous les raccourcis.
Je revois la place Louis XIV couverte de confettis lors des toros de fuego, tu n'en loupais pas un seul, tu aimais la fête.
A la chocolaterie d'Espelette, tu avais fait le pitre, comme toujours. A ton contact, tout le monde riait. Ce jour là, le patron était venu nous offrir tout un plateau de chocolats, les enfants n'en revenaient pas. Elle était simple la vie avec toi, tu ne cherchais que le bonheur des autres.
Sans toi la tarte aux pommes de maman n'aura plus jamais la même saveur, tu lui en réclamais une à chaque visite.
Ici, chez moi,chez nous, mon jardin était aussi le tien, tu venais y chercher ce que tu voulais. Je t'ai fait découvrir les pâtissons, tu adorais mes soucoupes volantes, je t'en faisais pousser des blancs, des verts et des orange.
L'estragon n'a pas encore pointé le bout de son nez, s'il repousse, je viendrai t'en porter une branche, tu m'en piquais à chaque fois.
Il me reste tant de souvenirs que j'ai du mal à croire à ton départ, je ne t'ai jamais vu autrement que souriant, je ne t'ai jamais entendu te plaindre.
Je suis heureuse d'avoir croisé ta route, on a été voisins pendant plus de dix ans sans jamais se voir, forcément, tu étais toujours en vadrouille.
Il a fallu que le chien de maman, qui avait pourtant peur de son ombre, échappe à sa vigilance lors d'une promenade pour venir te faire la fête pour que l'on se rencontre enfin.
Il fallait te suivre, tu étais infatigable, toujours en mouvement, une vie entière à faire du sport, ça entretient.
Il y a quelques années, mon fils a suivi tes traces sur les pistes, tu en étais aussi fier que s'il s'était agi du tien. Tu venais l'encourager à chaque course, tu le reconnaissais de loin, même avant moi, tu disais "c'est lui, je reconnais son allure, il est gracieux, on croirait qu'il vole", tu ne te trompais jamais.
Tu fus Résistant, tu étais résistant, opéré plus de 20 ou 30 fois, je ne sais plus.
A tel point que, naïvement, je te croyais immortel.
Mon ami, mon "vieux machin", repose en paix.
Piments d'Espelette de MTSA brodés en un fil sur un fil, cotons DMC, toile de lin 12 fils blanche.